MATCHES AMICAUX - Peu importe si on exige trop ou non de Paul Pogba. Aujourd'hui, peu importe son passé en Bleu, peu importe la position dans laquelle il joue, il apporte moins de garanties que Corentin Tolisso et Blaise Matuidi. Un constat qui le place dans une situation délicate à deux semaines de l'entrée des Bleus à la Coupe du monde.

Ce n'est pas trahir un secret que de dévoiler qu'aucun joueur ne suscite autant de débats que Paul Pogba auprès des suiveurs de l'équipe de France. Chaque confrère a sa théorie. Chaque confrère a une lecture particulière de son match. Pour être tout à fait franc, je l'ai trouvé tantôt trop discret tantôt trop juste dans l'engagement vendredi à Nice. Même s'il fut parfois intéressant dans l'orientation. Un avis pas forcément partagé à l'issue de la rencontre. Certains ont estimé qu'il avait joué juste en épurant son jeu. Les statistiques ne disent pas autre chose avec plus de ballons touchés et un meilleur pourcentage de passes que Corentin Tolisso. Voilà pour le constat froid des chiffres. Mais c'est une réalité étriquée, le petit bout de la lorgnette.

J'entends l'angle de défense de ses coéquipiers et l'argument massue : "la France attend trop de Pogba", "il ne peut pas marquer à chaque match". Mais si on doit se contenter du Paul Pogba de vendredi alors il n'a pas sa place dans l'équipe-type de Didier Deschamps et il ne peut pas revendiquer le statut de leader comme il l'a laissé entendre la semaine dernière - "Je veux prendre les rênes de cette équipe" - dans une communication malhabile qui pourrait lui revenir comme un boomerang.


Pogba (right) and Griezmann  Getty Images

Décalage et recadrage

Il existe sans doute un décalage entre les attentes qu'il suscite et ce que lui demande Didier Deschamps. Entre l'image du surdoué à la technique soyeuse et la discipline qu'exige le très haut niveau. Il est injuste de lui renvoyer le prix de son transfert (100 millions d'euros) comme pour mieux sanctionner son manque de régularité. C'est le problème de Manchester United avant d'être le sien. Au fond, peu importe qu'il se mette en scène sur les réseaux sociaux et qu'il soit la tête de proue d'Adidas.

A deux semaines de la Coupe du monde, seul le terrain compte. Au-delà de toutes les considérations marketing, de son rôle dans le onze de Deschamps, de ses qualités, de sa position sur le terrain, de son nombre de followers ou de sa coiffure, peu importe ce qu'on en a pensé, ce qu'on en pense ou ce qu'on en pensera : il doit être seulement jugé sur ce qu'il apporte aux Bleus aujourd'hui. Le constat est clair et ça ne date pas de vendredi : il n'a pas apporté suffisamment de garanties depuis l'Euro, au contraire d'un Antoine Griezmann ou d'un N'Golo Kanté par exemple, pour bénéficier d'un blanc-seing. Le match en Russie (1-3) a rappelé ce dont il était capable. Il a connu des éclairs à Bari en août 2016, face aux Pays-Bas deux mois plus tard ou contre l'Angleterre en juin 2017.


Paul Pogba à ClairefontaineGetty Images

Tolisso lui montre la voie à suivre

Mais c'est bien mince face à la régularité d'un Corentin Tolisso devenu incontournable ou au niveau moyen d'un Blaise Matuidi souvent irréprochable en sélection. Dans l'impact, l'influence et l'envie, Tolisso montre la voie à suivre. Il joue simple quand il le faut. Casse les lignes quand le rythme l'exige et se rapproche des 16 mètres si une ouverture se présente. Sans jamais déséquilibrer l'ensemble mais en le soutenant. Le Munichois ne marque pas à chaque match, il ne marque même pas du tout en sélection. Mais son volume suffit à justifier sa place.

Rien n'est définitif. Parce que, vendredi, ce n'était qu'un match de reprise. Parce que la préparation porte bien son nom. Mais à l'heure H, Pogba accuse du retard sur sa concurrence. Deschamps ne fige rien, n'accorde aucun passe-droit. Le Mancunien en a déjà fait les frais et jusqu'ici, à la Coupe du monde en 2014 ou à l'Euro 2016, il a toujours réussi à rebondir. A ceci près qu'à son poste, la concurrence était moins dense. Sa situation a rarement été aussi précaire chez les Bleus et Pogba n'a plus d'excuse.