LIGUE DES CHAMPIONS – Cette édition 2019 cumule les pages de légende et les sommets d'émotions. Une campagne d'ores et déjà hors normes, sublimée par les deux demi-finales retours à Anfield et à la Johan-Cruyff Arena.
Ironiquement, c'est au moment même où l'UEFA a présenté sa réforme de la Ligue des champions, une potentielle révolution à l'encontre de l'esprit même des créateurs de l'épreuve, que la C1 a donné sa pleine mesure. Quoi qu'il advienne le 1er juin à Madrid, cette édition 2019 est appelée à demeurer dans les annales. En deux mois, la phase finale a offert une profusion de matches qui feront date.
Il y aura peut-être bientôt 14 matches de poules pour chaque équipe. Peut-être y en aura-t-il 50 un jour, mais rien, absolument rien ne peut approcher l'intensité et la force d'un huitième, d'un quart ou d'une demi-finale. Les poules, déjà bien longuettes et sans doute interminables dans un proche avenir, ont vocation à générer du pognon. Les matches à élimination directe, eux, drainent l'émotion. Dans ce domaine, nous sommes des enfants gâtés depuis quelques semaines.
Tottenham Hotspurs Getty Images
On a beau chercher, jamais une campagne européenne n'avait concentré autant de retournements de situations et de pages inoubliables en l'espace d'une poignée de semaines. Des grands matches, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. Mais tant de rebondissements, de renversements improbables (la "remontada" est en phase de banalisation), non. Huitièmes et quarts avaient déjà largement fourni leur quota, via les exploits de l'Ajax ou, en guise de sommet émotionnel, les montagnes russes du temps additionnel au retour entre City et Tottenham. Les Spurs se sont vus dehors, les Citizens dans le dernier carré. Le VAR, dont on peut débattre tant qu'on voudra, avait alors ajouté son grain de sel émotionnel.
Mais ce n'était donc rien à côté de ces 7 et 8 mai. La si "cruyffienne" finale Barça-Ajax semblait gravée dans le marbre après les deux matches aller. Aucune équipe n'avait buté aux portes de la finale après avoir gagné 3-0 lors de la demi-finale aller depuis 1986. Aucune équipe ne s'était qualifiée pour la finale après avoir été battue à domicile lors de la première manche depuis 1996.
Des destins qui font du bien
On peut toujours voir des coïncidences partout, mais il est assez invraisemblable que ces deux précédents impliquaient le Barça (vainqueur 3-0 de Göteborg il y a 33 ans dans un Camp Nou en délire) puis l'Ajax (auteur de l'autre retournement de tendance voilà 23 ans face au Panathinaïkos). Les chiffres et la logique parlaient pour eux, mais la force de la Ligue des champions, ces derniers temps, est de gentiment s'asseoir sur ce type de références pour mieux chambouler les pace-makers comme les statisticiens.
Ce ne sera donc pas Barça-Ajax mais Liverpool-Tottenham. Cela valait une sacrée cote. Il y a deux jours comme il y a six mois. Ce qui en valait une autre, c'était d'imaginer Lucas Moura, Georginio Wijnaldum ou Divock Origi en héros de ces deux soirées. A l'ère des mega-stars, ces destins-là font du bien.
L'élimination de l'Ajax est tout de même un crève-cœur. Parce que ce club porte toujours en lui une part d'un romantisme salutaire à l'ère du football industriel, et que ce type d'aventures seront sans doute de plus en plus rares dans la C1 des hyper-puissances, telle qu'on nous la prépare, en mode ligue fermée. Voir la jeunesse ajacide à Madrid aurait fait du bien.
La détresse de l'Ajax Getty Images
Pourtant, en dépit de ce pincement au cœur, impossible de ne pas saluer ce qu'ont accompli les Spurs de Mauricio Pochettino. Le vrai symbole de cette édition complètement dingue, c'est bien cette équipe de Tottenham, morte plusieurs fois et pourtant toujours debout. Le but de Lucas à la 6eminute du temps additionnel mercredi soir incarne ainsi une forme de dénouement parfait, logique dans l’irrationnel, parce qu'il porte en lui toute la cruauté, donc la beauté du football.
L'incertitude, jusqu'au bout, donc. Cette Ligue des champions semble pour de bon aux mains de scénaristes hollywoodiens peu regardant sur le nombre et la nature des rebondissements. Sauf qu'ici, tout est vrai. On en reprendrait bien une dernière dose, dans trois semaines et demie. Pour que cette finale soit à la hauteur de tout ce qui a précédé, elle va devoir faire fort. Très fort. Mais au fond, pourquoi en douter après tout ça ?
Euphorique et presque en larmes, Mauricio Pochettino avouait avoir "du mal à trouver les mots" dans les entrailles de la Johan-Cruyff Arena. Il a pourtant tout résumé d'une phrase : "Merci le football. Merci le football de nous avoir donné ce genre d'émotions." Pas mieux.
Mauricio Pochettino Getty Images
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