Les champions du monde seront bien présents à l’Euro. L’occasion pour eux de réaffirmer leur statut et de prouver qu’ils ont parfaitement digéré leur sacre de 2018. Pas si évident au regard de l’histoire récente des nations championnes du monde. Avec l’aide des rédactions italiennes, espagnoles et allemandes d’Eurosport, zoom sur la difficulté à se renouveler quand on est champion sortant.
C’est un savant mélange. Un équilibre précaire que peu parviennent à créer. Et une recette que Didier Deschamps s’échine encore à trouver. Comment renouveler un groupe qui a gagné le plus grand des trophées ? Faut-il y aller par petites doses, ne rien changer ou risquer la révolution permanente ?
Jusqu’à présent, Didier Deschamps n’a pas brusqué ses habitudes. Hors blessures et retraites, seul un titulaire de Moscou manque à l’appel en raison de mauvaises performances (ou d’absence de performances dans son cas) : Samuel Umtiti. Pour le reste, malgré les méformes de certains ou les temps de jeu limités d‘autres, les Bleus restent sur du classique. On ne change pas une équipe…
Avec Clément Lenglet et Kingsley Coman, Deschamps dispose désormais de deux titulaires en puissance à ajouter à son onze champion du monde. Suffisant ? Pas sûr. Car au regard des exemples passés, donner de l’air à une équipe qui vient d’être sacrée n’a rien d’évident. La preuve avec l’Italie 2006, l’Espagne 2010 et l’Allemagne 2014.
Italie 2006, continuité puis échec XXL
(Avec Davide Bighani, d’Eurosport Italie) Il y a 1⃣1⃣ ans jour pour jour, l'Espagne 🇪🇸 sortait l'Italie de l'#EURO 2008#TonAvis Cette équipe-là était-elle supérieure à toutes les autres victorieuses d'un EURO... 🤔 pic.twitter.com/URZD0jhVnw
Le titre mondial : En Allemagne, l’Italie sacre une génération en or. "De Cannavaro – qui gagne le Ballon d’or la même année – à Pirlo en passant par Totti ou Del Piero, tous les joueurs piliers de cette Squadra sont au sommet de leur carrière et dans la force de l’âge, confirme Davide Bighani. D’ailleurs, seulement Angelo Peruzzi prend sa retraite internationale après le sacre".
La suite : Marcelo Lippi parti, c’est Roberto Donadoni qui prend la relève. Première de son groupe dans les éliminatoires, devant les Bleus, la Squadra Azzurra arrive confiante en Autriche et en Suisse. Après avoir éliminé les Bleus lors d’un match de poule décisif (2-0), les Italiens quittent la compétition après une défaite en quarts face à l’Espagne aux tirs au but (0-0, 4-2 tab).
La stat de renouvellement : 13 joueurs reconduits entre le Mondial 2006 et l’Euro 2008 mais un sélectionneur différent (dont 7 titulaires inamovibles).
Comment l’Italie a fini par sombrer : "La mauvaise idée a été de rappeler Lippi en 2008 pour mener l’Italie à la Coupe du monde 2010. Il a évidemment tenté de garder son noyau dur mais cela n’a empêché la Squadra d’aller droit dans le mur" (élimination dès la phase de poules, NDLR).
Ce que les Bleus peuvent en retenir : "Le conseil pour Deschamps, c’est de ne pas compter que sur ceux qui vous ont fait gagner mais sur les meilleurs au moment T". Face à une génération vieillissante et l’absence d’émergence de nouveaux leaders, la Squadra s’est peu à peu délitée. Et a mis du temps à s’en remettre…
L'échec italien en 2010 avec Fabio Cannavaro comme capitaine AFP
(Avec Adrian Garcia, d’Eurosport Espagne) L'Espagne 🇪🇸 sacrée lors de l'UEFA EURO 2012.
Le titre mondial : La suite logique des évènements. Après avoir brisé la malédiction à l’Euro 2008, la Roja s’appuie sur sa génération dorée, composée d’éléments moteurs du grand Barça (Xavi, Iniesta, Busquets, Puyol, Piqué) et des leaders du Real, pour aller chercher le titre en Afrique du Sud. Sans Luis Aragones mais avec Vicente del Bosque, les Espagnols sont loin d’être irrésistibles devant (8 buts marqués) mais sont infranchissables derrière. "En 2010, c’est une équipe finalement assez jeune mais déjà ultra-cohérente", confirme Adrian Garcia.
La suite : Elle est brillante. La Roja réussit à enchainer trois titres majeurs d’affilée (Euro 2008, Mondial 2010, Euro 2012). En continuant de faire confiance à ses garçons en or. "Le seul gros changement dans l’équipe type, c’est l’arrivée de Jordi Alba au poste de latéral gauche", confirme le journaliste espagnol.
Votre joueur préféré sur cette photo ❓ pic.twitter.com/lUwTGzKhRK
La stat de renouvellement : 18 joueurs reconduits entre le Mondial 2010 et l’Euro 2012. On a connu des révolutions plus sanglantes.
Comment l’Espagne a fini par sombrer : "La vraie chute, c’est évidemment 2014 quand Del Bosque a refusé de renouveler une équipe vieillissante et sur le déclin. C’était prévisible. Il a voulu donner une dernière chance à sa génération dorée", confirme Adrian Garcia. Et malgré l’entrain montré par Julen Lopetegui par la suite, la Roja a clairement perdu de son éclat avec le temps.
Ce que les Bleus peuvent en retenir : Qu’une base qui fonctionne, avec une philosophie identifiée, n’a pas spécialement besoin d’être brusquée ou concurrencer pour rester ultra-performante.
Le sacre de l'Espagne 2012 Eurosport
(Avec Marc Hlusiak, d'Eurosport Allemagne)
Le titre mondial : Ce fut la récompense d’une nation toujours présente dans le dernier carré des grandes compétitions depuis 2006. "En 2014, c’était plus l’achèvement d’une génération qui avait déjà brillé en 2010 avec l’émergence des Müller, Özil, Khedira ou Kroos, confirme Marc Hlusiak. L’Allemagne a alors une équipe pleine d’expérience, qui a l’habitude de jouer ensemble avec de vrais leaders comme Lahm, Schweinsteiger, Neuer, Hummels, Mertesacker, Müller and Klose".
La suite : Loin d’être à jeter en 2016. En restant fidèle à son noyau dur, Löw joue la carte de la continuité. "Löw n’est pas le plus rapide pour faire de gros changements, il a longtemps gardé les mêmes joueurs, même quand ils étaient en difficulté dans leur club, comme Lukas Podolski. Un peu comme Giroud pour vous actuellement", avance le journaliste. Son choix emmène la Mannschaft en demi-finale de l’Euro où elle bute sur un Antoine Griezmann opportuniste et une défense française dans un grand soir.
Lukas Podolski lors du sacre mondial de 2014 AFP
Comment l’Allemagne a fini par sombrer : "Löw a clairement joué la carte de la confiance aveugle à ses héros. Il les connaissait depuis longtemps et ça s’est vu, avance Marc Hlusiak. La vraie première cassure et le sentiment que le vent tourne c’est avant le Mondial 2018 lorsque Löw décide de se passer de Leroy Sané. Pour les journalistes, c’était clairement le message qu’il préférait rester avec ses joueurs passés plutôt que d’apporter du sang neuf". La suite ? Une élimination en mondovision dès le premier tour en Russie et un sélectionneur allemand maintenu malgré la tempête.
La malédiction des champions du monde européens se poursuit :
— David Lemos (@davidlemos) 27 juin 2018
- France 2002 : OUT en phase de groupes
- Italie 2010 : OUT en phase de groupes
- Espagne 2014 : OUT en phase de groupes
- Allemagne 2018 : OUT en phase de groupes
Ce que les Bleus peuvent en retenir : "Mon conseil pour Deschamps ? Il ne doit pas rester trop longtemps collé à ses vieux héros, affirme le journaliste allemand. Mais gagner un tournoi de cette envergure dépend de tellement de facteurs… Le groupe doit bien vivre ensemble, il faut de l’expérience mais aussi l’appétit des jeunes. Le tout combiné avec un zeste de chance".
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